Il fait beau.
Les rayons du soleil transpercent la fenêtre, comme s’il n’y avait pas de vitre. Effie devine son visage s’illuminer là où la lumière s’arrête pour la caresser. Elle s’avance, la tête tournée vers la fenêtre, et se demande si ses cheveux blonds ont l’air de briller. Ça la fait rire, son qui produit un léger écho dans le couloir, au même rythme que ses pas.

Il faut qu’elle retourne dans sa chambre. Qu’elle aille poser son sac et prenne avec elle un de ses carnets. Effie se sent de bonne humeur aujourd’hui et le soleil semble l’inviter à sortir, lui demander de profiter de ses rayons sur sa peau. Elle a envie d’écrire. Inventer de nouveaux univers, de nouvelles vies.
De nouvelles aventures.

Un peu avant d’arriver devant la porte de sa chambre son portable se met à vibrer et elle ralenti le pas pour attraper plus facilement l’engin dans sa poche. Elle a à peine le temps de voir le nom de son amoureux affiché sur l’écran avant de le poser contre son oreille.

▬ Oui?
▬ Effie, c'est Sidney. Il faut que je te dise un truc de vraiment vraiment important alors. Tu peux m'écouter ?

La réponse ne se fait pas attendre et laisse une Effie presque perturbée. Elle lui répond en même temps qu’elle ouvre la porte et pose le premier pas dans sa chambre.

▬ Euh, oui, bien sur. Qu’est-ce qu’il se passe?

Trop de lumière, même dans la chambre.
Effie s’était arrêtée après avoir refermé la porte derrière elle pour s’habituer à cette agression de lumière. Ça ne semblait presque plus la lumière amicale qui s’amusait à rehausser les couleurs de sa peau et de ses cheveux. Une main devant le visage, elle s’avança jusqu’à son bureau en écoutant la voix hésitante de Sidney.

▬ En fait je... Je peux pas continuer à sortir avec toi.

Elle poussa une pile de feuilles et de stylos pour retrouver son carnet. Il était là, elle le prit dans sa main. Ce n’était pas un grand carnet, on pouvait l’emmener partout. Effie se disait qu’elle avait trop de carnets, beaucoup trop. De toutes les tailles, de toutes les couleurs, avec ou sans ligne, certains avec un ruban en marque page ou un élastique pour épouser leur contour.
Elle pensait à ça pour ne pas penser aux mots qui parvenaient à son oreille. C’était impoli comme comportement. Il lui avait demandé si sérieusement de l’écouter en plus.
Mais vraiment, elle avait trop de carnets. Mais elle les aime tellement ses carnets, ce n’est pas comme si elle pouvait les jeter ou ne pas craquer quand elle en trouve un nouveau.

Avery.
Il a dit Avery?
Il a dit je t’aime mais je ne t’aime pas, puis Avery?
C’est-ce qu’il a dit?

Effie n’est pas sure. Elle aimerait l’écouter comme il faut, elle aimerait comprendre ce qu’il raconte, mais c’est comme si son corps entier refusait de lui prêter attention.
Tout est confus, elle ne sait même pas de quoi il parle, elle n’est pas sure. C’est pourtant clair. Les mots son clairs. Mais ils ne veulent pas rentrer dans sa tête, se faire examiner. Effie ne sait pas ce qui cloche. Effie ne…

▬ Je suis vraiment désolé.

Et elle reste silencieuse.

Elle voulait écrire. C’est pour ça qu’elle avait son carnet dans la main. Massacrer les pages claires de tonnes de mots. Se battre avec son imagination. C’est ça, elle voulait une bataille pour gagner des mots. Pour créer une histoire. Elle y allait le sourire aux lèvres, sure de gagner.

Et maintenant aucun mots ne sortent de sa bouche.
Elle ne s’attendait pas à cette bagarre là. Et sans préparation…
Elle se sentait perdre.

▬ Je…

Comment on forme une phrase déjà?

▬ … Mais, tu?

Pourquoi est-ce qu’elle essaye seulement?
Les mots ne veulent pas d’elle aujourd’hui.
Même son cerveau ne veut pas l’aider à comprendre ce qu’il se passe.
Et elle s’entend rire. Ce n’est pas un rire normal. Elle ne sait même pas pourquoi elle rigole. Pourquoi elle rigole comme ça. Elle ne savait même pas que rire pouvait faire mal, tiens.

Effie a raccrochée. Maintenant elle fixe son portable. Elle n’a rien su dire, elle n’a pu que rire bizarrement. C’était pathétique. Le portable comme le carnet, posés sur le bureau, abandonnés. Elle ne sait pas trop ce qu’elle va faire maintenant. Peut être aller se cacher.
Là où il n’y a pas de soleil.