BIBLIOGRAPHIEIls parlent de moi comme cette petite tête d’ange aux cheveux blonds et aux yeux curieux. Les anges existent, oui j’en suis persuadé mais je n’en suis pas un, je suis juste humain. Ils ne me connaissent simplement pas.
Ils essayent de m’expliquer la politique, ils veulent m’inculquer toutes leurs leçons, ils me façonnent pour que je sois un dirigeant. Et moi j’écoute attentivement car c’est le seul moyen de pouvoir leur échapper un jour.
Ils sont mes parents quelques fois, des enseignants la plupart du temps. Mais ce n’est pas grave, ils pensent à mon avenir, c’est normal.
Je suis Misha Milan Sovleski, premier enfant né de l’union de Sergeï Sovleski (anciennement Miloslavski) et Diana Zerliev. Qui sont-ils ? Oh, de simples descendants de la noblesse russe qui ne peuvent oublier la luxure et le goût du pouvoir et se raccrochent à la politique actuelle pour ne pas quitter ce train de vie. Mais je ne suis pas l’aîné de la famille. Ce rôle revient à Adrian de 5 ans mon aîné, fils de mon père à l’époque où il passait plus de temps dans un avion que sur terre et d’une américaine bohème sans aucun goût pour les hommes. Quel scandale le jour où ce secret de famille s’est dévoilé ! J’ai également une sœur, Elena, de 4 ans ma cadette.
Ma mère nous a élevé dans un cocon familial très protecteur. Ne sortez jamais sans vos petites vestes les enfants, gardez bien votre chapeau si il y a du soleil. Ne touchez pas, c’est sale. Misha, ne cours pas du va tomber et tu ne seras plus présentable.
Je me souviens d’elle comme une personne toujours très bien habillée, son parfum semble encore parvenir jusqu’à moi par moments et le tintement de ses bijoux me reviennent aux oreilles quand j’y repense. Nous ne pouvions pas aller nous blottir dans ses bras, cela aurait froissé ses vêtements. Nous ne mangions pas souvent avec elle, les enfants se couchent tôt, les parents rentrent tard. Mais sa voix nous berçait un peu chaque soir lorsque nous étions déjà partis dans nos rêves aux milles aventures.
Quant à mon père, je visualise encore sa photo dans le journal ou à la télévision. Je peux entendre dans ma tête sa voix grave et autoritaire ; Misha, écoute bien, tu me remercieras un jour. Je le revois dans le salon devant son échiquier à m’expliquer les diverses stratégies pour obtenir la victoire. Etrangement oui, je me souviens de beaucoup de détails concernant mes parents.
J’ai donc grandi dans ce climat avec une succession de nourrices qui n’arrivaient à satisfaire le besoin d’excellence requis par mes parents et de professeurs grâce auxquels j’ai pu obtenir ce qu’il pouvait y avoir de meilleur dans le pays. Rien n’est de trop pour combler celui qui est l’enfant légitime. C’est pourquoi j’ai toujours envié la liberté d’Adrian.
On se croirait revenu des années en arrière, je suis d’accord.
Pour passer le temps, je me suis découvert une passion, la chasse aux fantômes. Riez, je sais qu’ils existent. Les esprits, les démons, les anges, tout ce qui pourrait appartenir au domaine du surnaturel existe. Je n’ai pas de preuves concrètes mais un jour j’en aurais une. Je courais dans la maison à m’imaginer les voir dans les couloirs, je bricolais mes propres armes dans le secret le plus absolu. J’ai une seule fois osé mentionner l’existence de ces créatures devant ma mère, j’ai été puni immédiatement. On retient vite ce genre de leçon.
J’embarquais parfois Elena dans mes aventures paranormales mais elle ne semblait pas aussi enthousiaste que moi. Il y en avait de toutes les sortes et je pouvais écrire des pages à propos d’eux. Je n’ai toujours pas changé d’avis, les esprits existent et il n’y a jamais de hasard dans les morts étranges. Ce sont eux. Ils sont partout.
Mais les extra-terrestres n’existent pas eux.
Et j’ai grandi comme un gamin ordinaire, à boire les paroles de mes parents, à écouter des opéras, à assister à des soirées avec tous ces gens si bien habillés. Je pensais naïvement que tous les autres enfants étaient dans ce cas. J’allais dans un collège privé avec tant d’autres jeunes dans mon cas si bien que je ne fus jamais confronté à la réalité.
Il me suffisait de demander pour avoir. Mais lorsque l’on m’imposait quelque chose je ne devais pas refuser.
Puis je suis entré au lycée. Bien que je fusse entouré de connaissances, je ne considérais personne comme un ami. Ce mot m’était totalement inconnu au final. Il y avait certes ces jeunes comme moi avec qui je discutais de la politique socio-culturelle engagée par la France récemment ou encore de la tendance libérale actuelle en Russie, mais nul avec qui je puisse parler de fantômes, de météo où de n’importe quoi qui pouvait être amusant. Je n’avais pas de mal à aller vers les gens, c’est juste qu’il me manquait le mode d’emploi « comment se faire des amis ». Néanmoins, j’appréciais nettement la compagnie féminine. Elles étaient beaucoup plus posées, et je dois avouer que certaines avaient des courbes intéressantes. Mais je ne dois pas le montrer.
Un jour, en rentrant des Etats-Unis, mon frère m’a fait découvrir les séries américaines qui, selon lui, étaient la base obligatoire de tout adolescent aujourd’hui. J’ai alors été initié à Esprit Criminel, Grey’s anatomy, How I met your mother, Prison Break, Happy Family, Les frères Scott, NCIS, … Et je réalisais avec un étrange sentiment que j’avais du louper une bonne partie de mon adolescence à regarder des reportages politiques en famille.
Sans le dire à mes parents, j’ai commencé la guitare. J’avais eu un coup de cœur pour un guitariste d’une série. Je continuais le violon que j’avais commencé à l’âge de 6 ans, mais la guitare prenait une place importante. J’avais 15 ans. Je chantais aussi. Adrian m’affirmait que je devais prendre plus confiance en moi, que ma voix était très agréable et que je devrais en faire profiter les autres. J’ai voulu essayer de m’habiller comme ces personnages de séries que j’appréciais sans comprendre que ce n’était pas la vraie vie. Pour moi, les séries n’étaient absolument pas exagérées. Au grand damne de ma mère, j’ai voulu mettre un peu d’excentricité entre ma chemise blanche sans un faux-plis, mon pantalon droit et mon gilet de couleur unie. Mais elle mettait un tel acharnement à tout détruire après que je me contentais de commander par internet ce que je trouvais bien et je le cachais dans mes tiroirs pour les mettre quand j’étais sûr d’être seul. J’avais l’impression de quitter un peu ma bulle.
Et j’ai reçu la lettre. Je n’ai pas tout compris, je suis arrivé sur l’île. Et là, le choc. J’ai compris que rien de ce que mes parents m’avaient dit et ce que j’avais vu en série n’était comme la réalité. Il est bizarre. C’est ce que tout le monde dit de moi en fait maintenant. Je ne comprends pas la majeure partie des choses. Je sors des réflexions stupides, pourtant mûrement réfléchies. Mais ce n’est pas de ma faute, je n’en fais pas exprès d’être comme ça. Je ne comprends juste pas pourquoi deux personnes dans la rue se tiennent la main tout en se disputant, je ne saisis pas la valeur des choses notamment de l’argent. Je pose des questions parce que pour moi les évidences ne le sont pas. C’est quoi des bonbons ? C’est quoi un ami ? Hein, c’est cher ? Ah peut-être.
Voilà mon histoire, plus ou moins les grandes lignes pour que toi, lecteur, tente de comprendre qui je suis et pourquoi certain diront que j’ai une case en moins. Mais je suis juste un gars différent, c’est tout.